À La Réunion, en 2020, les scolarités courtes sont plus fréquentes que dans l’Hexagone. C’est à 18 ans, à la sortie du lycée, que les écarts se creusent fortement : à cet âge, seuls 70 % des jeunes de l’île poursuivent leurs études, contre 83 % dans l’Hexagone. Sur l’île, ces scolarités courtes sont à peine moins fréquentes qu’il y a dix ans, mais les sorties du système scolaire sans diplôme se sont en revanche nettement réduites.
Pour les 3 100 jeunes déscolarisés avant leurs 18 ans, l’insertion professionnelle s’avère extrêmement difficile dans un territoire marqué par un chômage élevé. Parmi les 14 800 jeunes de 18 à 20 ans qui ont quitté le système scolaire tôt, au maximum trois ans après leur sortie du lycée, les trois quarts n’ont pas d’emploi. Il s’agit principalement de jeunes sortis sans diplôme, qui reproduisent souvent la trajectoire de leurs parents, de jeunes ayant un CAP-BEP ou un bac et de jeunes mères vivant dans leur propre logement. Parmi les jeunes qui travaillent, la plupart, notamment les jeunes hommes, restent vivre chez leurs parents.
En France, l’instruction est obligatoire jusqu’à 16 ans et depuis la loi de 2019 pour une école de la confiance, la formation est obligatoire pour tout jeune jusqu’à ses 18 ans. La scolarisation décroît donc avec l’âge, mais
cette baisse est plus marquée à La Réunion figure 1. La lutte contre le décrochage scolaire est ainsi l’une des priorités des politiques publiques réunionnaises encadré 1.
Jusqu’à 16 ans, quasiment tous les jeunes sont en cours d’études, même si un écart existe déjà avec l’Hexagone. Sur l’île, 94 % des jeunes sont scolarisés à 16 ans, contre 96 % dans l’Hexagone. À 17 ans, les écarts avec l’Hexagone s’amplifient légèrement :
- 88 % des jeunes de l’île sont scolarisés, contre 93 % dans l’Hexagone. C’est à cet âge qu’apparaissent les écarts entre garçons et filles. Encore plus que dans l’Hexagone, les jeunes Réunionnais quittent le système scolaire avant les jeunes Réunionnaises : à 17 ans, 86 % des garçons sont scolarisés
contre 90 % des filles. - C’est à 18 ans, à la sortie du lycée, que les écarts avec l’Hexagone se creusent fortement : à cet âge, seuls 70 % des jeunes de l’île poursuivent leurs études, contre 83 % dans l’Hexagone. Entre 18 et 20 ans, les écarts s’accentuent entre garçons et filles : à 18 ans, 67 % des garçons sont encore scolarisés contre 74 % des filles tandis qu’à 20 ans, c’est le cas de seulement 38 % des garçons contre 51 % des filles.
- C’est aussi à 18 ans que des écarts de scolarisation apparaissent selon les territoires de l’île. Les communes accueillant des établissements d’enseignement supérieur attirent logiquement les jeunes poursuivant leurs études. Saint-Denis concentre les principaux sites de formation post-bac, avec notamment le pôle universitaire régional.
Ainsi, à la Cinor, 68 % des jeunes de 18 à 20 ans sont scolarisés, contre 50 à 59 % dans les autres intercommunalités.
Davantage de scolarités courtes que dans l’Hexagone
Au total, entre 14 et 20 ans, 20 % des jeunes ne sont plus inscrits dans un établissement d’enseignement à La Réunion, contre 14 % dans l’Hexagone en 2020. Ces jeunes qui ont eu une scolarité courte peuvent rencontrer de grandes difficultés pour s’insérer professionnellement et socialement, surtout pour les plus jeunes et les non diplômés.
La Réunion est la troisième région française où le taux de non-scolarisation est le plus élevé, après Mayotte (28 %) et la Guyane (26 %), et devant la Corse (17 %) et les Hauts- de-France (16 %). Les scolarités courtes sont aussi plus fréquentes à La Réunion qu’aux Antilles (15 %) encadré 2. Dans toutes ces régions, la pauvreté est plus élevée qu’en moyenne nationale. Faible niveau de formation initiale, difficultés d’insertion
professionnelle et pauvreté sont en effet étroitement liés [Fabre et Robin, 2023].
Moins de sorties sans diplôme qu’il y a dix ans
Les scolarités courtes sont à peine moins fréquentes qu’il y a 10 ans dans le département. En 2010, 22 % des jeunes terminaient leur scolarité entre 14 et 20 ans, contre 20 % en 2020. Cette part étant stable dans l’Hexagone sur la décennie, l’écart se réduit donc légèrement.
Plus spectaculaire, les sorties sans diplôme sont en nette diminution à La Réunion.
En 2010, parmi les jeunes de 14-20 ans, 13 % quittaient le système scolaire sans diplôme qualifiant, c’est-à-dire sans aucun diplôme ou uniquement avec le brevet des collèges.
Ils sont 8 % en 2020. En particulier, les jeunes qui quittent le collège sans le brevet sont bien plus rares que par le passé. L’apprentissage notamment progresse fortement sur l’île en 2020 et 2021, grâce à l’aide exceptionnelle de l’État dans le cadre du Plan de relance.
Ainsi, en 2023, le nombre de personnes en apprentissage est trois fois plus élevé que dans les années 2010. Toutefois, la part de non-diplômés parmi les jeunes sortis du système scolaire reste nettement plus élevée
que dans l’Hexagone (5 % en 2020).
3 100 jeunes quittent le système scolaire avant 18 ans
Sur l’île, 3 100 mineurs déclarent ne plus être inscrits dans un établissement d’enseignement en 2020, soit l’équivalent de trois lycées. Parmi ces jeunes, 700 sont déscolarisés avant 16 ans, qui marque pourtant l’âge légal de la fin d’obligation d’instruction : 300 ont 14 ans et 400 ont 15 ans. Comme dans l’Hexagone, ce sont
2 % des 14-15 ans qui déclarent ne plus être scolarisés à ces âges. Les filles sont autant concernées que les garçons. À 16 et 17 ans, à des âges où la formation est désormais obligatoire, 2 400 jeunes sont déscolarisés,
soit 9 % de cette classe d’âge : 800 ont 16 ans et 1 650 ont 17 ans. C’est à ces âges que les écarts se creusent avec l’Hexagone (5 %) et que les garçons deviennent majoritaires parmi les non-scolarisés. Pourtant, les
collégiens et lycéens trouvent le travail scolaire moins exigeant que les collégiennes et les lycéennes, et se déclarent moins stressés [ORS, 2023]. Aimer le collège ou le lycée est en revanche aussi fréquent parmi
les garçons et les filles, mais ce sentiment diminue avec l’avancée en âge.
La plupart de ces 3 100 mineurs terminent leur scolarité au collège, sans le brevet (42 %) ou avec (36 %). Peu d’entre eux ont obtenu un CAP ou un BEP (14 %) ou le bac (7 %), et encore moins un diplôme supérieur au bac comme un DUT ou un BTS (1 %). Pour ces jeunes peu diplômés et très jeunes, l’insertion professionnelle s’avère extrêmement difficile dans un territoire où le chômage est élevé : seuls 200 d’entre eux ont un emploi en 2020.
Très jeunes, ils vivent presque tous avec leur(s) parent(s), même si cela est un peu moins le cas que pour les 14-17 ans encore scolarisés (88 % contre 97 %) figure 2.
Leur environnement familial est souvent moins favorable à la poursuite des études : 54 % n’ont aucun parent en emploi, contre 36 % pour les 14-17 ans scolarisés. Leurs parents sont également moins souvent diplômés : 49 % des mineurs non scolarisés vivent avec un ou des parents sans diplôme qualifiant, contre 29 % des 14-17 ans encore scolarisés. La situation professionnelle et le niveau de formation des parents impactent en effet fortement la scolarisation des enfants. Au niveau national, à 24-25 ans, les enfants d’ouvriers non qualifiés sont trois fois moins souvent en études que les enfants de cadres [Vuillier-Devillers, 2023].
Les mineurs déscolarisés sont plus souvent élevés par leur seule mère : 48 % vivent au sein d’une famille monoparentale, c’est-à-dire dans la plupart des cas, une mère seule avec son ou ses enfants, contre 39 % pour les mineurs encore scolarisés. Ces mères et leurs enfants vivent plus souvent sous le seuil de pauvreté :
en 2020, 52 % des familles monoparentales sont pauvres, contre 29 % des couples avec enfant(s), qui bénéficient plus souvent de deux revenus d’activité [Fabre et Robin, 2023].
Les jeunes de 18 à 20 ans sans diplôme en grave difficulté d’insertion
Sur l’île, 14 800 jeunes de 18 à 20 ans, soit 40 % des jeunes de ces âges, ont quitté le système scolaire tôt, au maximum trois ans après leur sortie du lycée.
Leurs profils sont hétérogènes : cinq groupes sont identifiables selon leur situation vis-à-vis de l’emploi et du logement figure 3.
Les trois quarts de ces jeunes, soit 11 200 jeunes, n’ont pas d’emploi : ils sont communément désignés sous le terme de NEET (neither in employment nor in education or training). Pour ces jeunes qui quittent tôt
le système scolaire, l’accès à un emploi est difficile. Les deux tiers se déclarent néanmoins au chômage, ce qui indique, a priori, leur souhait de travailler. Le tiers restant est le plus éloigné du marché du travail ; ils sont probablement déjà découragés dans leurs recherches d’emploi [Jonzo, 2022].
Parmi ces jeunes NEET, 9 500 n’ont pas de logement indépendant. Majoritairement masculins, ils sont aussi moins âgés que les autres jeunes de 18-20 ans non scolarisés.
Le premier groupe est constitué de 3 100 jeunes sans emploi, sans logement indépendant et sans diplôme qualifiant.
Parmi ces jeunes, six sur dix ont même quitté le système scolaire sans avoir le brevet des collèges, donc probablement avant d’avoir atteint 18 ans. Les jeunes hommes y sont particulièrement nombreux (65 %).
Issus d’un milieu social et économique particulièrement défavorisé, les jeunes de ce groupe présentent de forts risques en termes d’insertion. Ainsi, 60 % d’entre eux n’ont aucun parent en emploi, contre 35 % des
jeunes de cette classe d’âge encore scolarisés.
Parallèlement, leurs parents sont moins souvent diplômés. Ainsi, 60 % des jeunes de ce groupe n’ont aucun parent diplômé, alors que cette part baisse à 32 % pour les jeunes encore scolarisés. Les jeunes de ce groupe
vivent plus souvent au sein d’une famille monoparentale : 49 % contre 37 % des jeunes encore scolarisés.
Les jeunes sortis avec un CAP-BEP ou un bac qui ont du mal à s’insérer sur le marché du travail
Le deuxième groupe rassemble le plus grand nombre de jeunes (6 400). Ces jeunes ne sont pas scolarisés, n’ont pas d’emploi ni de logement indépendant, mais sont diplômés.
Ils sont titulaires d’un CAP-BEP (37 % d’entre eux) ou d’un bac (28 % un bac pro et 30 % un bac général). Seuls 5 % ont un diplôme supérieur au bac (DUT, BTS surtout).
La plupart souhaitent travailler, mais trouver un emploi à la sortie de ses études prend plus de temps à La Réunion qu’ailleurs. Par exemple, parmi les élèves terminant leur cycle d’apprentissage avec un diplôme de niveau CAP ou équivalent, 4 sur 10 sont en emploi six mois après leur sortie, contre 6 sur 10 au niveau national [Thibault, 2022].
L’environnement familial des jeunes de ce groupe est défavorable à une poursuite d’études, mais moins que dans le premier groupe. Parmi les jeunes de ce groupe vivant au domicile familial, 45 % n’ont aucun parent en emploi, et 41 % aucun parent diplômé, contre respectivement 35 % et 32 % pour les jeunes de 18 à 20 ans encore scolarisés.
Les jeunes mères éloignées de l’emploi
Parmi les jeunes de 18 à 20 ans non scolarisés et sans emploi, 1 700 habitent dans leur propre logement. Ce troisième groupe est peu diplômé, une partie des jeunes ayant probablement quitté le système scolaire
avant leurs 18 ans : 28 % n’ont aucun diplôme, même pas le brevet des collèges, contre 19 % de l’ensemble des jeunes de 18 à 20 ans non scolarisés.
Dans ce troisième groupe, 77 % des jeunes sont des femmes. Même sans emploi, le départ du domicile parental est généralement plus précoce pour les jeunes femmes [Ah-Woane, 2023]. La mise en couple et/ou
l’arrivée d’un enfant entraînent souvent ce départ. Ainsi, 800 de ces jeunes non scolarisés sont des jeunes mères, dont 500 assument seules la charge de leur(s) enfant(s). Ces jeunes mères de familles monoparentales cumulent les risques de pauvreté : sur l’île, un ménage jeune sur deux et une famille monoparentale sur deux sont pauvres [Fabre et Robin, 2023].
La monoparentalité, combinée à l’absence d’emploi, expliquent qu’une part plus importante de ces jeunes résident dans un logement social (28 % contre 20 % des jeunes en emploi ayant leur propre logement).
Cette présence importante de jeunes mères dans ce troisième groupe est liée à des maternités précoces, deux fois plus fréquentes à La Réunion qu’aux Antilles ou dans l’Hexagone : 13 % des Réunionnaises nées sur l’île entre 1990 et 1999 ont été mères avant leur vingtième année contre 6 % dans l’Hexagone [Dehon, 2022]. Ces maternités à un jeune âge constituent, en plus de leur niveau de diplôme fréquemment faible, un obstacle à la recherche d’emploi.
Néanmoins, ces maternités précoces reculent à La Réunion : elles concernaient 21 % des femmes nées entre 1980 et 1989.
Les jeunes hommes en emploi qui vivent avec leurs parents
Parmi les jeunes de 18 à 20 ans non scolarisés en 2020, un quart ont un emploi, soit 3 700 jeunes.
La plupart n’ont pas encore de logement indépendant : ces 3 100 jeunes adultes forment le quatrième groupe. Ils vivent majoritairement avec leur(s) parent(s), mais pas uniquement : 300 d’entre eux vivent
en foyer étudiant ou en caserne (jeunes en régiment du service militaire adapté – RSMA).
Ces jeunes travailleurs sans logement indépendant sont principalement des hommes (65 %). Les jeunes hommes quittent plus tardivement le foyer parental que les jeunes femmes [Sui-Seng, 2022]. Ils acquièrent fréquemment leur autonomie en accédant d’abord à un emploi, mais tant que ce dernier n’est pas stable, ils restent vivre chez leurs parents. Ainsi, 40 % de ces jeunes occupent un emploi à temps partiel, et seuls
30 % sont en CDI ou fonctionnaires.
Ces jeunes en emploi qui vivent avec leurs parents constituent le groupe le plus diplômé : 80 % ont un diplôme qualifiant, contre 69 % de l’ensemble des jeunes de 18 à 20 ans ayant fait une scolarité courte. La majorité est titulaire d’un diplôme professionnel comme un CAP-BEP ou un bac professionnel.
C’est plus particulièrement le cas des jeunes hommes, dont 56 % possèdent l’un de ces diplômes contre 47 % des jeunes femmes.
Or les diplômes professionnels restent très genrés selon leur domaine de formation.
Ainsi, sept jeunes travailleuses sur dix sont des employées, avec des métiers moins diversifiés que les hommes (catégorie C de la fonction publique, serveuses, vendeuses, etc.), tandis que cinq jeunes travailleurs sur dix sont ouvriers et quatre sur dix sont des employés.
Parmi les jeunes de ce groupe qui partagent le logement parental, 40 % n’ont aucun parent en emploi, et 42 % aucun parent diplômé, soit des parts un peu plus élevées que parmi les jeunes encore scolarisés (35 % et 32 %).
Peu de jeunes autonomes entre 18 et 20 ans
Le dernier groupe est également le plus réduit : 600 jeunes à scolarités courtes ont un logement indépendant, ainsi qu’un emploi qui leur permet d’assumer leurs dépenses du quotidien. Ils sont dits autonomes.
Leurs diplômes ne sont pas plus élevés que ceux des jeunes en emploi vivant encore chez leurs parents. Mais leur emploi est plus stable : 42 % sont en CDI ou fonctionnaires contre 30 % des jeunes du quatrième groupe. Le temps partiel y est un peu moins fréquent : 32 % contre 40 %. Il s’agit de l’un des rares groupes
où les femmes sont majoritaires (55 %).
L’autonomie progresse avec l’âge. Ces jeunes sont donc logiquement plus âgés que ceux des autres groupes : 65 % ont 20 ans contre 40 % de l’ensemble des 18-20 ans à scolarités courtes.