Le thème précis de la réunion qui s’est déroulée ce matin (mercredi 29 septembre 2021) dans l’hémicycle de la Région, à Moufia, était : « adaptation des territoires insulaires face au changement climatique/Actions pour la résilience insulaire La Réunion/océan Indien ». Comme l’a souligné d’emblée la vice-présidente Karine Nabénésa, « il s’agit d’un enjeu majeur pour notre majorité régionale ».
Cette réunion réunissant la DEAL (Philippe Crammont), l’AFD (Agence Française de Développement dirigée localement par Marie-Pierre Nicollet), le Département (représenté par Jean-François Nativel), sans oublier les EPCI, notamment TCO, la Civis et la Cirest, s’est tenue dans le cadre des ateliers internationaux des œuvres urbaines de Cergy, présidée par l’ancien ministre du Logement Pierre-André Périssol. Ce dernier était en visioconférence. Il sera présent dans l’île la semaine prochaine pour présider le jury. Localement, les travaux de réflexion de Cergy ont débuté le 25 septembre dernier et s’achèveront le 8 octobre prochain.
C’est quoi les ateliers de Cergy-Pontoise ? Il s’agit d’une association loi 1901 existant depuis 1982 et présidée par Pierre-André Périssol, ancien ministre. Les Ateliers Internationaux de maîtrise d’œuvre urbaine sont une petite structure dotée d’un grand réseau international. Elle organise à la demande de responsables de l’aménagement territorial et de collectivités territoriales, en France ou à l’étranger, des ateliers de productions d’idées réunissant des étudiants et/ou des professionnels du monde entier pendant une période de 2 à 3 semaines. Ces ateliers réunissent des étudiants ou professionnels de toutes nationalités, sélectionnés avec une grande exigence, qui prennent part pendant plusieurs semaines à une réflexion en équipe au croisement de la planification et de l’architecture, en intégrant d’autres disciplines : géographie, économie, paysage, sociologie, art, ingénierie, environnement…
« Réparer, entretenir, prévenir » ou encore « aménager et ménager » sont les mots clés de cet échange qui a eu lieu ce matin. En clair, le but de la réflexion menée par tous les participants, est de comprendre comment concilier développement, préservation des ressources et adaptation aux urgences climatiques. Ce travail collectif de réflexion ainsi que le partage d’expériences devraient permettre d’anticiper sur le dérèglement climatique qui bouleverse de plus en plus nos modes de vie dans le monde, y compris les îles de l’océan Indien.
Cette réunion qui s’est déroulée à la pyramide inversée a été l’occasion aussi de rappeler le combat mené depuis longtemps par feu président Paul Vergès, également sénateur, et président de l’ONERC, sur toutes les questions relatives au réchauffement de la planète. Il avait à plusieurs reprises attiré l’attention sur la nécessité de réfléchir sur ce sujet qui se trouve aujourd’hui au cœur des préoccupations de tous les dirigeants des territoires dans le monde.
Pour bien comprendre l’objectif de la séance de travail de ce matin à la Région, voici le discours d’ouverture prononcé par la vice-présidente Karine Nabénésa (notre photo ci-dessus) qui a excusé la présidente Huguette Bello pour son absence, elle-même prise par une autre réunion toute aussi importante car relative à la santé, au conseil de surveillance du CHU.
Karine Nabénésa : « faut-il encore sanctuariser nos espaces naturels ? »
« Il sera question au cours de la séquence de ce matin d’interroger la résilience des territoires de l’Océan Indien au regard du changement climatique. Depuis de nombreuses années maintenant, nous le savons, son accélération bouleverse nos vies avec des conséquences irréversibles à l’échelle planétaire. On ne compte plus les alertes médiatiques et articles scientifiques, du GIEC notamment, sur les calottes glaciaires qui fondent et le niveau des océans qui monte inexorablement, sur la hausse du nombre de réfugiés climatiques, sur la recrudescence des phénomènes climatiques extrêmes ou encore sur la dégradation de l’état de santé des populations comme de la biodiversité terrestre et marine. Ces enjeux sont connus et répétés à l’envi à d’autres échelles. Je les replacerai donc dans le cadre de nos territoires insulaires.
Car, comme vous le savez, les îles de l’Océan Indien n’échappent pas à ces dérèglements qui bousculent complètement nos modes de vie. Néanmoins, de par leur caractère insulaire, et leur position géographique, nos îles et archipels partagent des enjeux spécifiques et doivent aujourd’hui relever des défis de première importance, sinon vitaux. Permettez-moi ici d’en aborder trois que je considère comme cruciaux.
Le premier enjeu est sans aucun doute celui de leur grande vulnérabilité économique du fait justement de leur insularité. Éloignées des grandes routes maritimes mondiales, nos îles doivent composer avec l’étroitesse de leurs marchés domestiques et leurs ressources limitées ainsi qu’avec leur dépendance vis-à-vis des grands marchés internationaux. Ces facteurs entraînent une situation de précarité sinon d’insécurité, alimentaire notamment, ainsi qu’une mise en concurrence nocive et agressive de leurs espaces les plus fertiles, générant de multiples conflits d’usage. Face à cela, nos territoires s’interrogent. Quelles priorités doivent-ils privilégier ? Faut- il construire davantage de logements? Faut-il consacrer nos meilleures terres à l’activité économique ? Faut-il encore sanctuariser nos espaces naturels ? Ces choix sont difficiles et lourds de conséquences pour nous-mêmes et nos enfants. Le deuxième enjeu auquel sont confrontés nos territoires insulaires est celui de la transition énergétique. En effet, déconnectés des grands réseaux électriques continentaux, nous sommes toujours dépendants des énergies fossiles avec toutes les conséquences que l’on sait sur nos modes de transport et sur la gestion de nos déchets. Mais nous portons également de grandes ambitions. L’omniprésence des éléments naturels figurent comme des atouts puissants qui nous incitent à regarder l’avenir avec confiance en investissant dans les énergies renouvelables pour devenir de véritables laboratoires de la transition énergétiques et des territoires d’expérimentation de nouvelles formes de mobilités.
« Nous avons aussi l’obligation d’innover dans tous les domaines »
Enfin, le troisième défi qui me paraît l’un des plus urgents est sans conteste la préservation de notre biodiversité. Nombre de nos îles sont qualifiées de territoires remarquables en termes de biodiversité. La Réunion elle-même est connue comme « hot spot » mondial de par la richesse de ses paysages et ses ressources naturelles. Plus que jamais, la préservation de nos écosystèmes demeure la grande priorité de notre époque.
Mesdames et messieurs, le changement climatique que nous vivons fait peser sur nos populations et nos écosystèmes de grandes menaces, mises en exergue, pour ce qui est de La Réunion, par notre Schéma d’Aménagement Régional. L’amplification des risques naturels comme les inondations, les glissements de terrain, la prolifération des espèces exotiques envahissantes, la raréfaction des ressources en eau ou encore les pollutions diverses de nos sols sont autant de dangers qui nous guettent à court terme.
Face à de tels défis, il est donc heureux que nous prenions aujourd’hui le temps de la réflexion. C’est avec beaucoup d’intérêt et d’attention que je suivrai chacune des interventions qui vont suivre car l’adaptation au changement climatique de notre territoire réunionnais est pour notre majorité régionale une grande priorité.
L’ensemble de ces travaux a vocation à nourrir nos réflexions et éclairer nos choix. La Réunion s’apprête à vivre, en effet, un tournant. Ce changement de paradigme nous impose de repenser collectivement nos liens avec nos voisins pour y assurer notre sécurité alimentaire. Notre mandature s’apprête à engager dans les années qui viennent les travaux de révision de son schéma d’aménagement régional. Il est nous donc plus que jamais nécessaire de réfléchir à une gestion équilibrée et mesurée de nos espaces. De même, que la nouvelle programmation opérationnelle européenne qui s’engage pour la période 2021-2027 est l’occasion d’investir massivement dans les mobilités durables et les conditions de réalisation d’une véritable autonomie énergétique.
Nous avons aussi l’obligation d’innover dans tous les domaines. Je pense notamment aux modes de construction avec la problématique des matériaux et à l’architecture de l’habitat en milieu tropical, adaptée aux impacts des changements climatiques…Vous l’aurez compris, mesdames et messieurs, les défis qui attendent nos territoires insulaires de l’océan Indien sont nombreux. Je souhaite que les travaux issus de ces ateliers, qui ont associé les populations et les acteurs de nos territoires, préfigurent un mode de collaboration unique duquel émergeront des propositions originales qui s’inscriront dans la durée ».